mercredi 3 décembre 2025

Éprouver de la compassion

 




Paolo Cugini

J’éprouve de la compassion pour la foule (Mt 15,33).

Dans le silence qui précède l’aube, lorsque le cœur s’ouvre à une écoute profonde, une voix murmure : « Laissez-vous guider par la compassion, car c’est en elle que bat le cœur même du Christ. » C’est dans la compassion que l’action de Jésus trouve sa racine et son mouvement : un regard miséricordieux qui se pose sur les blessures de l’humanité, des mains tendues qui caressent les marges, des pas qui deviennent présence auprès de ceux qui gisent dans l’ombre.

Chaque geste de compassion est une étincelle qui révèle la Lumière du Mystère. En Jésus, le Mystère se fait chair et s’approche de celui qui souffre, rompant le pain de la rencontre et illuminant les nuits les plus épaisses. Le visage caché de Dieu se dévoile dans les traits de celui qui console, de celui qui recueille les larmes et offre des paroles simples qui ont la saveur de l’éternel. La compassion est le prisme à travers lequel le Mystère se réfracte sur le monde, rendant visible ce qui est invisible aux yeux du pouvoir. Accueillir l’Esprit, c’est ouvrir grand les portes de notre humanité pour que le souffle divin la façonne selon la logique du don. L’Esprit souffle où il veut, et le cœur qui se laisse modeler par sa brise devient une argile vivante, prête à devenir refuge pour celui qui est seul, voix pour celui qui est muet, caresse qui guérit. Nous sommes appelés à devenir une transparence docile, un temple où la compassion habite et transforme.

Il n’y a pas de vraie suite sans la capacité de s’arrêter devant la souffrance, de reconnaître dans le visage blessé du frère et de la sœur le lieu sacré de la rencontre. La compassion n’est pas une fuite de l’humain, mais une immersion dans sa vérité la plus profonde : c’est pleurer avec ceux qui pleurent, être aux côtés de ceux qui n’ont pas de voix, devenir blessure dans la blessure d’autrui. Dans cette étreinte, la douleur devient le sein d’un nouvel espoir.

La lumière qui émane de la compassion dissout toute barrière, annule les distances et ne distingue que ce qui unit. Dans le Mystère déchiré par la tendresse, nous sommes tous des pèlerins sur le même chemin, égaux dans la soif d’amour, unis par le désir de communion. Ici tombent les tours de l’orgueil et se construisent des ponts de fraternité : la compassion nous révèle frères et sœurs, côte à côte, enfants du même Dieu. La compassion ne s’improvise pas ; elle est le fruit d’un chemin intérieur, d’une écoute attentive qui purifie le regard et convertit le cœur. Seul celui qui se laisse blesser par le cri du pauvre devient porteur de lumière. La mission du croyant est de se laisser traverser par la compassion, afin que le monde ressente la caresse de Dieu à travers des mains humaines : aller là où personne ne va, aimer là où l’espérance faiblit, porter des foyers de consolation dans les nuits de la douleur.

Aujourd’hui, tels des prophètes appelés par le vent de l’Esprit, nous sommes conviés à bâtir une communauté de cœurs compatissants : un espace où la compassion soit le sceau qui nous distingue et le lien qui nous unit. « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. » Que cela soit notre bénédiction et notre chemin, car sur la voie de la compassion, la Lumière du Mystère continue de briller, et le monde, malgré ses blessures, découvre la joie d’être aimé.

 

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