XXXIV Dimanche du
Temps Ordinaire Année C
Paolo Cugini
Aujourd’hui s’achève l’année liturgique au cours de
laquelle nous avons entendu l’Évangile de Luc, qui raconte le cheminement de
Jésus de Nazareth jusqu’à Jérusalem. Un parcours jalonné de surprises et de
choix difficiles, de controverses âpres avec les pharisiens et la classe
sacerdotale du Second Temple, qui l’ont conduit à la croix. La liturgie de
l’Année C conclut l’année par la Solennité du Christ, Roi de l’Univers, en nous
offrant une lecture qui relate la grande souffrance et l’humiliation de Jésus sur
la croix. Pourquoi ce choix ? Que veut-il nous dire ?
À ce moment-là, [après avoir crucifié Jésus,] le peuple
restait là à regarder ; mais les chefs se moquaient de Jésus.
La vie de Jésus fut emplie d’amour, d’attention portée à
tous ceux qu’il rencontrait sur sa route, particulièrement aux plus pauvres. Il
a connu beaucoup de personnes et a consacré sa vie à faire le bien. Pourtant,
dans les derniers instants de sa vie, Jésus a expérimenté une profonde
solitude. Il est arrivé nu sur la croix, moqué, ridiculisé, frappé, humilié et,
surtout, abandonné par ses amis, les disciples avec qui il avait partagé les
années de sa vie publique. Pourquoi cette solitude ? Que signifie-t-elle pour
notre chemin de foi ? Les terribles heures qui ont marqué les derniers moments
de la vie de Jésus révèlent le cœur de ses disciples, leurs attentes déçues et
leur profonde désillusion. La croix de Jésus révèle, d’une manière définitive
et dramatique, que Jésus n’est pas le roi politique espéré, capable de vaincre
les Romains : il est tout autre chose. Les disciples comprennent, à partir du
moment où Jésus est arrêté, que leur cheminement de disciple et leurs attentes
ne correspondaient pas à ce que Jésus voulait proposer. Et pourtant,
pourrait-on dire, ils l’avaient écouté, ils avaient vu ses œuvres, alors
pourquoi cette perplexité ? Pourquoi tant d’incompréhension ? La réalité de la
croix a démasqué et mis à nu les fantasmes de gloire des disciples, leurs
idéologies. L’attention à la réalité permet un processus de déconstruction des
idéologies qui encombrent nos esprits et filtrent la réalité, nous empêchant de
la comprendre. Pour les disciples, la croix représentait la mort de leurs
idéaux et la possibilité d’une renaissance à une vie nouvelle.
« Il en a sauvé d’autres ! Qu’il se sauve lui-même, s’il
est le Christ de Dieu, l’Élu. »
La demande des chefs du peuple à Jésus montre qu’ils ont
totalement mal compris son message. La preuve qu’ils exigent pour attester
qu’il est le Christ, c’est sa propre sauvegarde. Jésus a démontré exactement le
contraire : il a montré être le Christ de Dieu précisément à travers une vie de
don total, s’efforçant sans cesse de sauver la vie de ceux qu’il rencontrait.
Jésus nous a montré par sa vie que nous sauvons nos vies en les perdant pour
ceux que nous aimons, pour ceux que nous croisons. Nous nous enrichissons en
nous sacrifiant pour partager avec ceux qui sont dans le besoin. Voilà le grand
enseignement humain de Jésus : un amour sans mesure pour tous. Dans cette
perspective, il nous faut aussi nous rappeler les paroles que Jésus prononce
sur la croix, justement dans la version de Luc que nous lisons aujourd’hui,
quand il affirme : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.
» Peut-on imaginer un amour plus grand que celui-ci ? Mourant sur la croix,
Jésus ne pense pas à son propre salut, mais à celui de ses bourreaux. Jésus
meurt seul sur la croix, mais pleinement conscient de ses choix. Il meurt
librement par amour : il a choisi d’aimer jusqu’au bout.
« En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi
dans le paradis. »
Jésus meurt entre deux larrons : la mort de l’infamie,
confirmant tout son parcours, où il n’a jamais cherché à être quelqu’un, à
rechercher la gloire des hommes, mais a toujours été attentif aux plus faibles.
Ceux qui décident de consacrer leur vie aux pauvres n’ont pas le temps de
penser à leur carrière. Même sur la croix, Jésus reste attentif à ceux qui
l’entourent, il les écoute, et même dans ce contexte, il ressort que suivre
n’est pas une question de participation massive, mais un choix personnel.
Jésus est le roi de l’univers parce que, par son choix de
l’amour authentique, en rejetant la gloire des hommes, il entre dans les veines
de l’histoire avec son Esprit d’amour que tous nous pouvons accueillir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire